La cuisine de Grégory Marchand échappe aux analyses précises, aux décorticages savants. On se souvient d’un critique gastronomique consciencieux abandonner son stylo après avoir goûté son gaspacho de tomates anciennes : « parfois, on a juste envie de se laisser porter ». Tout est dit ou presque. Son raviolo « al sole «  explose, littéralement. Au début, on ose à peine le toucher, on le caresse d’un petit coup de fourchette pour tenter de percer le mystère, on picore un crosne croquant, une graine de moutarde acide, un dé de panais et on se lance. La pâte est ferme, mais laisse s’échapper la douceur aigre de la ricotta et surtout la suavité d’un jaune d’œuf cru et coulant qui vient enrober le palais avec jubilation.

Et pourtant, ce cuisinier qui a fait ses armes à New York et Londres notamment, n’essaie pas d’impressionner à coup de performances techniques ou d’associations improbables. Son truc à lui, c’est le plaisir, immediat, qu’il insuffle partout. Dans la purée de potimarron toute douce qui soutient l’agneau rosé, dans les topinambours fondant qui ressemblent presque à descèpes, dans sa panacotta avocat, chocolat, et dans ses corn flakes qui oscille entre sensualité et gourmandise.Dans son minuscule bistrot aux accents New Yorkais, on s’abandonne. Grégory Marchand jette quelques regards complices sur sa petite salle, et sourit parfois, souvent, quand il surprend un soupir d’exaltation…Aujourd’hui, grâce au soutien complice de sa femme Marie, on peut s’encanailler d’une junk food irrésistible dans son “Frenchie to go” ou picorer ses mythiques ris de veau panés au comptoir de son bar à vin. Qui connaissait la rue du Nil avant Frenchie?