Monsieur Caramel – €

Adresse :
79 rue Duhesme, 75018 Paris
France

Si on regarde attentivement la jolie carte de visite de “Monsieur Caramel*“, on peut y lire “Yohan Kim, artisan & pâtissier depuis 1983“. On réfléchit un instant et on se dit que cette date n’est autre que celle de sa naissance, 34 ans plus tôt en Corée. Ça lui sied plutôt bien, à ce bel homme élancé, que d’être artisan depuis toujours. Artisan de sa propre vie d’abord, peut-être : “Vers l’âge de 21 ans, j’ai décidé de voyager en Europe, à Londres, puis à Paris. Paris m’a tellement plu que j’ai eu envie de rester. Je voulais faire de l’art. J’ai fait l’école des Beaux Arts que je fantasmais éperdument, mais j’avais une coloc artiste et je voyais à quel point ce métier était dur. Je suis vite parti pour l’école de pâtisserie Lenôtre.” raconte t-il dans son français presque parfait. Ce n’est guère plus facile : il a un peu plus de vingt ans, âge assez tardif pour assimiler de nouvelles techniques et gestes, mais il s’accroche et enchaîne les grandes maisons : Joël Robuchon, Jacques Génin, Sébastien Gaudard.

Après avoir géré des postes importants, Yohan en a assez de travailler comme un fou et d’en oublier de prendre du plaisir. C’est à ce moment-là qu’une amie artiste lui propose d’investir un espace au sein de sa galerie, rue Française dans le 1er arrondissement. “Je n’ai pas hésité longtemps pour créer un salon de thé éphémère, intimiste, ouvert,  au sein d’un espace vivant où il se passait des tas de choses, où je pouvais organiser des expos. Tout était autour de la thématique du hand-made, ça m’allait bien. Pendant deux-trois ans, j’ai alterné entre la galerie et des événements ponctuels, showroom de presse, vernissages, événements en tout genre.” On sent tout à coup que la parole de Johan se libère, qu’il est enfin tout à son artisanat. “Certaines personnes n’osaient pas venir dans mon coin salon de thé. Ils se contentaient de regarder timidement par la fenêtre, et moi, pour leur donner confiance, je sortais dans la rue et leur distribuais des caramels. C’est par là que tout a commencé.

En goûtant ses confiseries, les passants sont ébahis : des nuages de sucre légèrement torréfiés, moelleux, tantôt acidulés, épicés, croquants, qui jamais ne collent aux dents. Un succès immédiat qui donne envie à Johan d’ouvrir sa propre boutique. “Il m’a fallu un peu de temps pour trouver mon écrin idéal. Je ne voulais pas d’un lieu classique, d’une vitrine avec des gâteaux exposés comme dans toutes les pâtisseries, je voulais qu’on arrive ici comme on viendrait chez moi, pour un petit moment ou un bon bout de temps.” Il lui a fallu presque un an pour trouver cette officine rue Duhesme dans le 18 ème arrondissement, rue hors du temps non loin de la porte de Clignancourt. “Je voulais un environnement populaire, ne pas être trop loin d’une émulation artistique et des habitants curieux passés ici par hasard. Je voulais un quartier où les voisins se parlent encore à travers leur fenêtre, où il y a de la vie“. De la vie et des envies. Des envies de ralentir le temps, d’une petite musique de fond pointue, d’un décor légèrement rétro où chaque fauteuil si bien choisi appelle à s’affaler des heures, des odeurs de gâteaux qui s’échappent du four juste à côté, cette impression d’être invité chez un ami à boire le thé ou une infusion au yuzu et miel rassurante dont Yohan a le secret. “Plus tard j’aimerais être “potissier” confiera-t-il. C’est un mot valise entre potier et pâtissier. J’ai envie de créer les assiettes qui accueilleront mes gâteaux. Je suis convaincu qu’aujourd’hui nous sommes tous à la recherche d’instants complets qui correspondent autant à ce qu’ongoûte, qu’à la table ou à la céramique qui l’accueille. J’essaie d’être un fabricant de souvenirs” raconte-t-il un peu ému par cette confidence.

J’ai commencé par les caramels, c’est par eux que tout est arrivé, c’est un bonbon magique. C’était donc une évidence d’appeler ma boutique “Monsieur Caramel”. Je le vois comme mon personnage, surtout pas un nom de marque. Je ne comprends pas quand on me pose la question du concept de ma pâtisserie, quel concept? Je n’ai pas de concept.”Yohan prône “la bouffe comme créatrice inouïe de liens“, il n’y a pas de concurrent, je veux que nous soyons tous soudés les uns aux autres. Et on le croit sans mal quand il nous parle des nouveaux restos qui ouvrent les uns après les autres ou des initiatives gourmandes autour de lui, qu’il nous conseille de découvrir absolument.

Et ses douceurs alors? On en oublierait presque qu’il existe une carte, tellement on a l’impression d’être chez lui. Et de fait, celle-ci est singulière. Des croquis, des dessins poétiques de ses gâteaux : Nuage du bas Montmartre, un cheesecake si vaporeux ; Le Macadam, celui par lequel il a commencé, pâte sablée, noix de macadamia, caramel à la vanille et ganache au chocolat noir ; la tarte citron au curd parfaitement soyeux et acidulé, et celui de l’instant, qui change selon l’humeur. En ce moment, c’est un magnifique Saint-Honoré où chaque petit chou caramélisé croque légèrement sous la dent pour laisser s’épanouir une merveille de crème légère et vanillée, à manger avec les doigts. On pourrait rester des heures ici à partager morceaux de musique et dernières découvertes artistiques à l’abri du chahut parisien. On comprend alors aisément que les voisines de Johan viennent lui rendre visite avec des casseroles de bœuf bourguignon cuisinées juste pour lui ou des bouquets de fleurs”.

 

" J'aime l'idée de protéger Monsieur Caramel comme mon bébé, de bien construire sa base, mais ça ne m'empêche pas d'avoir des tas d'idées, d'envies pour produire moins et consommer mieux." dit-il en nous offrant un baluchon de caramels.

(c) article écrit en partenariat avec l’Instant Parisien